Globe Croqueurs
Interview d’Expat Communication sur les difficultés d’adaptation et d’acceptation lors d’une expatriation – 2017
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Bonjour je m’appelle Nadege, j’ai aujourd’hui 49 ans, j’ai 3 enfants, tous nés en expatriation et toujours en expatriation. J’ai monté ma société et je suis facilitatrice de transitions pour les femmes « trailing Spouses », je suis franco neo-zelandaise (kiwi par adoption et par choix). Je vis actuellement a Barcelone, ville de notre choix et j’ai pris la decision de ne plus etre expatriee de pays en pays et donc de m’établir ici jusqu’au 18 ans de mon dernier.
Combien d’expats as-tu à ton actif ?
Depuis combien d’années vis-tu hors de France ?
J’ai vecu a l’etranger déjà entre mes 17 et 19 ans, puis retour en France jusqu’à l’âge de 27 ans date a laquelle j’ai rencontré mon mari et que nous avons commencé la vie a l’etranger. Je suis donc expatriée depuis 21 ans, plus proche des 22 maintenant. J’ai vécu au total dans 11 pays différents, mais 9 avec mon mari, et 8 avec mes enfants.
Dans quel pays as-tu mal vécu ton expatriation ?
Mon expatriation la plus difficile fut celle en Indonesie a Jakarta.
C’était pourtant mon pays numéro 6 ; j’ai appris que quantité ne veut pas forcément dire tout connaître…
J’ai vécu au total dans 11 pays, 2 seules, 9 avec mon mari, et 8 avec mes enfants.
Dans que contexte es-tu partie ?
Avec des enfants, pour suivre le conjoint, en quittant un emploi ? Sans emploi ?) je suis partie avec mes 3 enfants, en conjoint suiveur, comme depuis un certain nombre d’annees meme si parfois je travaille sur place. Le changement se fait apres un passage rapide en Italie, ou nous ne restons que 1 an (en fait un peu moins pour moi et les enfants etant arrives apres mon mari). Donc en 1 an nous faisons 3 pays, 3 ecoles pour les enfants…
Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour toi ?
TOUT !! J’ai deteste Jakarta des que nous avons atterri pour la visite de decouverte. La chaleur, les odeurs nauseabondes, la surpopulation, la pollution, la circulation, les embouteillages. J’ai ete aussi touchee par la pauvrete du pays, les bidonvilles, la misere….
Que ressentais-tu ?
Tristesse, colere, peur, degout…
Selon toi, le problème venait-il de toi ou du pays ?
Je ne pense pas que l’on puisse dire que le probleme vienne du pays, c’est bien moi qui avait un probleme avec le pays, et non lui avec moi ! (quoique je pourrais debattre sur cela**). J’etais overwhelmed par les changements, fatiguee des changements, des demenagements, de soutenir emotionnellement les enfants… Je pense que j’etais a la limite du burn out, mon ainee ayant 10 ans, TdaH, ma 2eme 9 ans, et mon fils a peine 2 ans et demi. J’etais physiquement fatiguee (un demenagement entier Budapest-Genes, installation a Genes, pour 6 mois plus tard refaire le meme demenagement Genes -Jakarta, un contenair de taille maximale). Et puis j’adorais l’Italie, et je ne voulais pas quitter cet endroit pour une ville de fous.
As-tu songé à rentrer en France ?
Non, car je suis une battante… Et que meme quand je n’aime pas, certes je dois certainement raler, mais je suis hyper sociable, donc je me fais tout de suite des amis/connaissances… Je suis tres cameleon, et je m’interesse a plein de choses, tout en aimant etre aussi chez moi. Bref, je ne sais pas m’ennuyer, et comme j’aime cuisiner et suis aussi assez creative, j’ai toujours de quoi m’occuper.
Quelles solutions as-tu mis en place pour avancer et améliorer la situation ?
Moi je survie avec les autres…. J’ai rencontre ma meilleure amie indienne qui m’a aidee a accepter les differences, mais aussi a mieux comprendre. Par exemple gerer le personnel de maison m’etait tres difficile. J’ai appris grace aux autres femmes expatriees qui avaient l’experience, pour mieux apprehender les soucis lies a cela. J’ai aussi tout de suite participer aux internationals women associations. J’ai ensuite fait du benevolat, c’est la que j’ai trouve une vraie bouee de secours : m’impliquer au quotidien pour les autres tout en mettant en oeuvres mes qualites et mes connaissances. Car soyons honnetes, pour s’epanouir dans le benevolat, il faut etre egoiste et y trouver son compte, sinon cela ne fonctionne pas.
j’adore la cuisine indonesienne, j’adore le teck, j’adore le batik.
Au final, es-tu parvenue à apprécier ton expatriation dans ce pays ?
Au final, j’apprecie beaucoup d’elements de ce pays : j’adore la cuisine indonesienne, j’adore le teck, j’adore le batik. Je suis une adoratrice du Kfe indonesien et je pense qu’il n’y a pas meilleur que le Kfe indonesien. J’ai fait de beaux voyages, rencontres des gens extraordinnaires.
Souhaites tu ajouter des choses
Quelques elements supplementaires que je souhaite apporter a mon temoignage. L’indonesie, ce n’est pas Jakarta. C’est important de le souligner, car le pays est une mine de belles choses.
Il ne faut pas se fier aux photos, surtout celles que l’on met dans un article ou sur Facebook… La vie en Indonesie, les gens pensent qu’on est a la plage (Bali est bien loin de Jakarta) et que l’on se prelasse au bord de la piscine toute la journee… Never judge a book by its cover (ce qui vaut aussi pour avoir des prejuges sur un pays ou une culture). Jakarta n’est pas une ville agreable. Je ne connais pas d’expat qui aime Jakarta. Et ceux qui disent que bon heureusement il y a Bali, il faut savoir que cela ne se fait pas sur un week end. La circulation a Jakarta est un ENFER.
À la question le probleme vient il de moi ou du pays, j’ai repondu que ce serait bien de faire le debat…
Je vais aborder ici un sujet tres tabou en expatriation, et pourtant bien reel : les relations extra conjuguales. Je dirais qu’au fond de moi, je savais que Jakarta serait un challenge pour moi, et mon couple…. Arriver affaiblie emotionnellement et physiquement a aider mon couple a se precipiter dans une situation difficile, et la le pays est un probleme : des filles partout, jeunes, plutot exotiques. Une circulation tellement difficile que les hommes ont tendance a partir tot, et rentrer tard pour eviter les embouteillages… Ce qui amene les expats hommes a frequenter les bars et restaurants autour des bureaux…. Si j’ai reussi a m’adapter a Jakarta, mon couple lui n’en est pas sorti indemne. Il est difficile pour un homme dans son ascension professionnelle, a la mi quarantaine, dans un pays ou tout semble possible et rien n’est impossible, de garder les pieds sur terre. Je ne voulais pas aller a Jakarta, peut etre aurai je du etre plus convaincante… Le pays ne m’a pas rendu ce que j’ai investi en lui en m’occupant d’une association d’handicapes 100% indonesiens… J’ai ete aigrie pendant un temps vis a vis de ce pays qui lorsque je l’ai quitte ne m’avait pas accueillie a la hauteur de ce que je lui avais donne. meme si la pillule a ete difficile a avaler. Aujourd’hui j’arrive a dissocier ce que j’ai accompli a Jakarta, ce qui s’est passe dans mon couple, et les elements positifs que je peux tirer de cette experience. C’est aussi pour cela que j’ai cree Expat’ResSoures, afin de prevenir, d’informer, de trouver les ressources necessaires, pour les femmes conjoints suiveurs. Mais ce message n’est pas entendu, et je le comprends. A moi d’etre pedagogique.
L’accompagnement des femmes pour moi c’est bien plus que la partie logistique… c’est avant tout avoir un Buddy, quelqu’un sur qui compter avec qui parler, de tout absolument tout… et trouver des pistes et des ressources pour justement mieux vivre dans son pays d’accueil, meme si on n’a pas trop d’affinites avec ce pays/cette culture… Je suis aujourd’hui moderatrice du groupe Expat Nanas : separees, divorcees. Je soutiens et aide Isabelle Tine creatrice du groupe. De nombreuses femmes sont dans des situations tres difficiles suite a des separations et divorces a l’etranger.
C’est un sujet qui me tient a coeur, et bien que moi meme je sois restee en couple et ai continue l’expatriation puisqu’apres l’Indonesie nous avons vecu en Chine et en Argentine, j’aime aider les femmes…. Un soutien empathique, un peu d’humour…